Andalousie 2012
Andalousie 2012 : plus qu’une expérience… une
découverte !
Comme certainement beaucoup d’entre vous, je connaissais
l’Andalousie à travers quelques images : Séville, la féria, les taureaux,
le flamenco et surtout les superbes chevaux andalous. Pendant un peu plus d’une
quinzaine de jours, je suis allée de découvertes en surprises. A quelques pas
des friches riches en artichauts et thym sauvages, qui pouvait penser que
j’allais voir, à plus de 2.100km de chez moi, les champs de petits légumes de
la société Bonduelle, si bien connue des agriculteurs de ma région ?
Terre de contrastes, comme un trait d’union entre l’Europe
et l’Afrique, l’Andalousie c’est d’abord un peuple chaleureux et accueillant, durement
par touché par la crise économique. Ici, la diversité des paysages illustre
aussi celle des hommes et les riches haciendas côtoient la misère. Le réseau
autoroutier est moderne et performant (merci l’Europe) mais les andalous y
circulent encore souvent sur des mobylettes. A la station, personne ne fait le
plein, chaque conducteur descend et montre son billet de 5 ou 10 euros au
pompiste qui programme ainsi la distribution.
Baignée par la Méditerranée, la campagne andalouse s’étire sous
le vent, en moult vallonnements. Depuis 5-6 ans une nouvelle source de revenus est
apparue avec des éoliennes à perte de vue. Impossible de trouver un paysage qui ne soit pas bardé de ces
mâts ; il y en a partout ! Il faut dire que la configuration du
terrain avec ses nombreux coteaux et un vent
soutenu, qui souffle bien souvent à plus de 100 Km/h a incité les grands
propriétaires terriens à exploiter les ressources naturelles. Ici,
l’agriculture n’a rien de commun avec ce que nous connaissons. Les fincas (territoire
d’une ferme) font plusieurs centaines d’hectares et même souvent plusieurs
milliers. Chaque finca est entièrement clôturée car l’élevage des taureaux de
combat est aussi une particularité avec les pâturages tournants. Mais ce qui caractérise
aussi d’abord chaque finca, et qui d’ailleurs a motivé ma venue dans cette
région de l’Espagne en ce début d’année, ce sont les perdrix rouges andalouses !
Préparer un chien de sport pour les épreuves de printemps
nécessite d’aller là où la végétation et les oiseaux présentent une certaine
similitude avec les conditions qui seront celles à l’époque des concours en
France. Rien de nouveau dans ce registre, voilà plus de 25 ans qu’Emmanuel
Bourgeois et ses confrères passent
chaque année environ un mois en Andalousie. Ils sont ainsi une dizaine,
installés à Guerra et dans la proche région : hôtel, appartement, maison
d’ouvrier reconverties en gite,… à chacun son choix.
Arrivées à notre hôtel en début de soirée, nous avons
l’heureuse surprise de voir passer Manu. La nuit est tombée et il doit encore
s’occuper de nourrir ses chiens mais il a tenu à voir si tout allait bien de
notre côté. C’est aussi ce genre de petit détail qui fait qu’on ne met pas
seulement son chien chez un dresseur.
Nous avons juste le temps de convenir
du rendez-vous du lendemain et déjà son téléphone sonne de nouveau. Il
est un peu plus de 20 h 30 et c’est un propriétaire qui vient aux nouvelles…
Dans le grand hôtel de Porte Real, c’est la basse saison,
pour ne pas dire le désert ! Les clients se comptent sur les doigts à
cette époque et c’est donc le calme assuré. Le lendemain matin, nous retrouvons
Manu, mais aussi Hadrien Boiteauville, Patrick Teulières et José Haro. Pour
tous, la journée a déjà commencé depuis longtemps puisqu’avant que le jour ne soit
levé, chacun a sorti ses chiens. La vie en camion est éprouvante pour les
chiens, qui sont confinés pendant plusieurs semaines dans leur cage, aussi la
plus grande attention leur est apportée. Nettoyage et désinfection du camion
font naturellement partie du programme quotidien de tout dresseur digne de ce
nom (selon la taille du camion il faut une à 2 heures de travail), mais
s’occuper d’une équipe de chiens de compétition, c’est aussi avoir l’œil à
tout, observer sans cesse chacun et savoir détecter mais surtout anticiper tout
éventuel souci , qui pourrait compromettre la saison. Un ongle trop long et
voilà l’accident qui se profile dans ces terrains secs et très
accidentogènes. La pierre n’est jamais
bien loin et bien qu’il ne s’agisse pas de silex comme chez nous, elle râpe et
use les coussinets plus sûrement que la meilleure des limes ! Aussi, la
sortie de chaque chien se termine par une douche pour éliminer toute particule
de terre et une inspection très minutieuse des ongles, coussinets, espaces
interdigitaux. Huiles et crèmes sont bien sûr utilisées au besoin.
Vers 10 h-10 h 30, chaque camion rejoint le territoire d’une
finca. La répartition est faite pour la semaine et tous les jours, chacun
rejoint un nouveau territoire, de façon à ne pas faire courir les chiens
toujours sur les mêmes terrains. La densité des oiseaux est variable, mais dans
l’ensemble assez bonne : la finca où nous suivons Hadrien n’est pas
considérée comme exceptionnelle à ce niveau mais Doubaï rencontre 5 occasions
dans son parcours. Je m’interroge donc sur ce que doivent offrir les territoires
dits plus « riches » en oiseaux… La perdrix rouge est ici ce que le
« gris » est dans certains
départements français : une religion, un véritable crédo ! Ici,
chaque finca a son garde, l’agrainage est réalisé à l’ancienne, sur les chemins
avec un mélange de blé et de graines de tournesol, le rat est systématiquement
piégé,… Tous les efforts convergent pour faciliter la reproduction de la
perdrix rouge.
La matinée se passe ainsi et nous grimpons et dévalons les
côtes semées d’éoliennes, derrière les chiens, qui s’appuient sur une légère
brise. La température avoisine les 18° et rend bien agréable cette première
journée en pleine campagne au milieu de nulle part. Dépaysement garanti pour ceux qui peuvent se
passer de leur montre ! Les couples
de perdrix sont bien calés dans les blés et il faut marcher dessus pour les
mettre à l’envol. Voilà maintenant plus de 15 jours que Manu et Hadrien sont
installés en Andalousie et ils ont rencontré d’excellentes conditions de
travail. Leur visage bien bronzé en dit long sur les températures de ce début
d’année ; d’ailleurs, dans certains endroits, les blés sont déjà presque
trop hauts.
Les heures ont passé et Manu nous a rejoints. Il est 14 h 30
et c’est la pause. Les oiseaux vont alors se faire forts discrets pendant
environ deux heures, avant de revenir chercher leur pitance. Nous en profitons
pour improviser un pique-nique tout en continuant d’apprendre sur l’Andalousie.
Cette coupure est aussi l’occasion pour chacun de faire une sieste, de lire, de
discuter,… Bref, nous intégrons sans problème le passage à l’heure
espagnole !
La reprise des entrainements se fait vers 16h 30-17h et se
prolonge jusqu’à la nuit tombée, vers 19h-19 h 30. C’est l’heure où nous nous
séparons. Hadrien, comme Manu vont alors faire sortir les chiens, les nourrir,
puis rentrer au gite pour refaire l’appoint d’eau de la réserve, nettoyer ce
qui doit l’être,… bref, préparer la journée du lendemain.
De 20h à 21h, Manu sera à l’écoute des propriétaires qui
souhaitent avoir des nouvelles de leur chien, puis c’est le repas du soir,
préparé en commun. Pour avoir partagé ces moments de convivialité avec quelques
autres propriétaires venus suivre le travail de leur chien, je peux assurer les
compagnes ou épouses de nos professionnels qu’ils se débrouillent
particulièrement bien en cuisine, alors Mesdames, n’hésitez pas à leur laisser
de temps en temps l’utilisation du fourneau !
A deviser de nos chiens autour d’un bon plat, arrosé d’une
bouteille venue de nos terroirs, le temps passe toujours trop vite pour la
petite équipe réunie spontanément. La nuit emmène chacun mais pour nos
dresseurs, le travail n’est pas terminé. La dernière sortie des chiens vers 23h apporte parfois son lot de surprises quand l’un des chiens décide de
s’accorder une petite escapade nocturne. Pas de grand risque de perdre qui que
ce soit puisque le territoire est clos mais c’est toujours stressant de chercher pendant deux
heures le chien, qui a anticipé depuis longtemps et attend sagement son dresseur
au gîte pendant que ce dernier bat la campagne…
Le lendemain, chacun recommence sur un autre terrain et
ainsi de suite au fil des jours. Température, humidité et vent ont une grande
importance et d’un jour sur l’autre, voire parfois d’une heure sur l’autre, le
fragile équilibre se modifie et les chiens ne parviennent plus à contrôler la
situation. Nous l’avons constaté plusieurs fois, lorsqu’un coup de froid tombe
brutalement en fin de journée et rend de nouveau ces diables de rouges
inabordables ! A ce petit jeu, les continentaux sont moins bien armés que
les britanniques et immédiatement c’est le port de tête qui trinque !
Alors que la vague de froid sévissait longuement en France,
le climat en Espagne s’est aussi rafraîchi. Certes, nous n’avons pas eu de
neige comme dans la région de Burgos, mais l’installation d’un vent soutenu et
froid, oscillant entre l’ouest et l’est en quelques heures, a beaucoup compliqué la tâche des chiens, au
point de les faire douter. Fort heureusement, les deux semaines précédentes
avaient été optimales, alors, pendant ces moments plus compliqués, c’est au
tour des jeunes de se frotter aux difficultés du gibier sauvage quand rien ne
va. Les oiseaux piètent et décollent à de grandes distances mais parfois, dans
le fonds d’un fossé (à voir la taille des fossés, on se dit que lorsqu’il
pleut, ça doit ressembler au déluge) bordé d’arbustes, ces jeunes chiens
parviennent à verrouiller un couple ou un trio. Ici, aucune contrainte, juste
le plaisir d’apprécier le côté chasseur de chaque chien, son intelligence dans
l’exploitation du terrain, son amplitude, les qualités de son nez,… bref, ses
qualités naturelles et tout ce qu’il possède déjà de façon innée.
L’Andalousie, c’est également les premiers concours du
circuit de printemps. Pour les continentaux, il faut descendre dans la région
d’Osuna, mais pour les britanniques, qu’il s’agisse de la grande quête ou de la
quête de chasse, tout se passe sur place. Sur ces terres espagnoles, les
français ont souvent quelques réserves sur l’indépendance des juges -pour la
plupart italiens et espagnols- tant la concurrence est vive. Dans ce contexte,
à défaut de refléter parfois réellement les mérites de chacun, les épreuves
permettent de préparer le retour en France où commencera pour beaucoup la
véritable compétition.
L’édition 2012 s’est achevée et la caravane des camions a
repris la direction du nord. Demain, les entrainements se poursuivront en
France et dans quelques semaines, tous ceux qui ont participé aux entrainements
en Espagne, devront réciter leur leçon andalouse, mais en la traduisant en français, bien sûr,
perdrix grise oblige !
Catherine Fauquembert